Depuis sa création en 2002, la juridiction pénale universelle permanente compétente pour juger les personnes accusées de génocide, de crime de guerre et de crime contre l’humanité assure tant bien que mal sa mission. Mais les Africains portent des griefs contre la haute juridiction. Voici ce que les Africains reprochent à la CPI.

Sommaire

Une cour politisée ?

Résultat de recherche d'images pour "cour pénale internationale"Lorsqu’elle fut créée, la CPI nourrissait l’espoir d’un monde meilleur dans lequel les criminels les plus pervers et les plus malicieux ne resteraient plus impunis. Elle a été créée par un traité signé à Rome en 1998. À ce jour, seulement 124 États ont adhéré au statut de la CPI. Malgré ce faible nombre d’adhésions, la cour s’évertue à engager la responsabilité des coupables. Mais force est de constater qu’elle se laisse guider par des choix judiciaires frileux et des enjeux diplomatiques qui estompent ses ambitions initiales. Du coup, elle est sérieusement critiquée de part et d’autre.

Ceux qui fustigent la cour pénale internationale semblent plus nombreux que ceux qui la soutiennent. Les Africains d’ailleurs sont ceux qui se plaignent le plus. En effet, les statistiques prouvent que depuis sa création la juridiction pénale à compétence internationale est plus tournée vers l’Afrique. La cour est habilitée à juger les personnes coupables de crime de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre respectivement prévu aux articles 6, 7 et 8 du statut de Rome. Mais l’on ne peut s’empêcher de constater que la CPI ne poursuit en grande majorité que les dirigeants africains. C’est vrai que beaucoup de cas qui sont du domaine de compétence de la cour se produisent en Afrique et qu’il serait aberrant de demander à la cour de les ignorer. Mais ailleurs, sous d’autres cieux, des cas plus atroces se produisent, mais la haute juridiction reste muette. Les Africains face à cet état de choses s’insurgent contre la CPI.

La grande majorité des justiciables ayant comparu devant la CPI sont des dirigeants africains et leurs complices. L’on reconnaît les présidents africains pour leur volonté de s’éterniser au pouvoir. Ce sont des desseins assez bizarres qui sont à l’origine de révoltes populaires et de guerres civiles. Les dirigeants africains n’hésitent pas à recourir aux armes pour imposer leur hégémonie, et l’on assiste très souvent à des bains de sang de part et d’autre. Dans ces conditions, la cour pénale internationale se trouve sobrement compétente pour intervenir. Ce qui est d’ailleurs normal. Or, dans d’autres pays du monde, des événements plus graves sont perpétrés, mais la cour reste indifférente.

Lorsque l’on jette un coup d’œil à la situation en Syrie, on se demande pourquoi la CPI ne réagit toujours pas. Depuis sa création, elle concentre tous ses efforts en Afrique. Le continent dans lequel elle serait moins gênante. Par ailleurs, ce qui fonde les critiques portées contre elle est que dans certaines circonstances, elle se laisse guider par des pesanteurs politiques et des intérêts diplomatiques de manière assez inexplicable.

La CPI est-elle un instrument diplomatique ?

Résultat de recherche d'images pour "justice"La CPI est une juridiction internationale censée avoir une personnalité juridique internationale et une souveraineté assez solide afin d’assurer la mission que lui ont confiée ses créateurs. Mais c’est désolant de se rendre à l’évidence que la cour est parfois un joker diplomatique au service des grandes puissances mondiales. Elles l’utilisent à volonté pour atteindre leur but politique. En effet, la juridiction n’exerce sa compétence que dans les États ayant ratifié le traité créateur de la CPI et sur les ressortissants de ces États ayant commis l’un des actes que la cour réprime. Sauf si le conseil de sécurité des Nations Unies décide de le saisir. Or, lorsqu’on imagine la situation politique du conseil de sécurité au sein de l’ONU avec la théorie des cinq membres permanents et leur droit de veto, il ne serait pas condamnable de rester sceptique vis-à-vis de la cour.

Par ailleurs, il ne serait pas non plus superfétatoire de rappeler que trois des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité ne reconnaissent pas la cour. Mais le conseil s’est tourné vers elle en 2005 pour les crimes commis au Darfour puis en 2011 pour ceux engendrés par la révolution libyenne. De manière assez suspecte, la cour s’est retirée à la chute de Mouammar Kadhafi. Les puissances alliées ne souhaitent plus que les deux suspects de la cour (l’ancien chef des renseignements Abdallah al-Senoussi et le fils de Kadhafi ; Saïf al-Islam Kadhafi) comparaissent devant la cour. Le glaive de la justice est aux ordres des puissances mondiales qui l’utilisent à volonté pour parvenir à leurs fins.

Les Américains, les Russes et les Chinois s’opposent à la cour pour les mêmes raisons, notamment celui de ne pas perdre un brin de souveraineté. Mais ils jouent bien le jeu s’alliant à la cour lorsqu’elle cible des justiciables ne figurant pas dans leurs favoris (comme le président kényan Uhuru Kenyatta) et s’opposant à elle lorsque le choix des cibles dessert (comme ils le disent) leurs intérêts nationaux.

Depuis l’inculpation du président kényan puis celui du président soudanais, l’Union Africaine s’oppose obstinément à la haute juridiction lui reprochant d’être l’instrument d’un néocolonialisme judiciaire. La majorité des pays africains menacent de quitter le traité de Rome. Depuis 2016, le parlement du Burundi a voté le retrait du pays de la juridiction. Ils sont suivis par l’Afrique du Sud et la Gambie. En effet, la cour n’a ouvert qu’une seule enquête hors du continent africain même si le procureur vise d’autres cibles comme la Colombie, l’Ukraine, l’Afghanistan et même la Palestine.

Statu quo des enquêtes de la CPI

  • Burundi

Le 25 octobre 2017, les juges de la cour pénale internationale lancent l’ouverture d’une enquête du Bureau du procureur sur l’initiative du Burundi

Crimes faisant objet de suspicion : des crimes contre l’humanité tel que défini par l’article 7 du Statut de Rome auraient été commis au Burundi ou par des ressortissants burundais à l’extérieur de leur pays du 26 avril 2005 au 2 octobre 2017.

Régions suspectées : tant à l’intérieur qu’a l’extérieur du territoire burundais

  • Géorgie

Une enquête est ouverte sur l’initiative du procureur de la CPI le 27 janvier 2016.

Crimes faisant objet de suspicion : des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité auraient été commis dans le cadre d’un conflit armé international entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008

Régions suspectées : d’après la demande d’ouverture de l’enquête, l’enquête s’étendrait sur l’Ossétie du Sud et ses environs. République centrafricaine

La CPI ouvre une enquête en septembre 2014 après que la situation a été renvoyée à la CPI par le gouvernement centrafricain en mai 2014.

Crimes faisant objet de suspicion : crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le cadre de la recrudescence des violences en RCA à partir de 2012.

Régions suspectées : tout le territoire de la RCA.

  • Mali

Suite au renvoi de la situation à la CPI par le gouvernement malien en juillet 2012, la CPI ouvre des enquêtes en janvier 2013.

Crimes faisant objet de suspicion : crimes de guerre qui auraient été commis au Mali depuis janvier 2012.

Régions suspectées : Gao, Kidal et Tombouctou au nord puis Bamako et Sévaré au sud pour certains faits.

  • Cote d’Ivoire

Après autorisation, de la chambre préliminaire, le procureur de la CPI ouvre de sa propre initiative une enquête le 3 octobre 2011.

Crimes faisant objet de suspicion : des crimes relevant de la compétence de la cour auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011, mais également en septembre 2002.

Régions suspectées : tout le territoire ivoirien, notamment la capitale Abidjan et l’ouest du pays.

  • Libye

C’est sur demande de l’ONU en février 2011 que l’enquête a été ouverte par la CPI en mars 2011.

Crimes faisant objet de suspicion : crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le cadre des violences en Libye depuis le 15 février 2011.

Régions suspectées : tout le territoire libyen, en particulier Tripoli, Benghazi et Misrata.

  • Kenya

L’enquête a été ouverte sur la propre initiative du procureur de la CPI en mars 2010.

Crimes faisant objet de suspicion : des crimes contre l’humanité auraient été commis dans le cadre des violences postélectorales au Kenya de 2007 à 2008.

Régions suspectées : six des huit provinces du Kenya abritent les enquêtes de la CPI ; Nairobi, vallée du Rift Nord, vallée du Rift central, vallée du Rift Sud, province de Nyanza et province Occidentale.

  • Darfour au Soudan

L’enquête a été ouverte sur renvoi de la situation à la CPI par l’ONU en juin 2005.

Crimes faisant objet de suspicion : le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité auraient été commis au Darfour depuis le 1er juillet 2002.

Régions suspectées : le Darfour et les personnes réfugiées en Europe et au Tchad.

  • Ouganda

Les enquêtes ont été ouvertes sur l’initiative du gouvernement ougandais en juillet 2004.

Crimes faisant objet de suspicion : crimes de guerre et crime contre l’humanité commis en Ouganda en 2002 dans le cadre d’un conflit opposant l’armée de résistance du Seigneur aux autorités nationales.

  • République démocratique du Congo

L’enquête fut ouverte en juin 2004

Crimes faisant objet de suspicion : crime de guerre et crime contre l’humanité commis dans la cadre d’un conflit armé en RDC.

Parmi toutes ces enquêtes, un seul est hors du continent africain et seulement quatre procès ont été bouclés. Les Africains ont-ils raison de porter des griefs contre la CPI ? Vos réactions sont attendues !